EXPERIENCE
Entretien réalisé le 16/12/2005
par Monsieur Pipo

En cette fin d'année marquée par une série de tributes et de disques de reprises (Sylvain Chauveau, Sun Kill Moon…), Experience, quatuor emmené par Michel Cloup, nous livre quelques impressions après la sortie de son double CD/ DVD Positive Karaoke With A Gun / Negative Karaoke With A Smile.

Rock360 : Quelle était l'idée de départ pour l'enregistrement de cet album ?

Experience : Une récréation. Voilà l'idée de départ. Ce qui était pensé comme un EP est devenu un album car nous y avons pris beaucoup de plaisir. Et puis on s'est dit qu'en enregistrant un LP entier nous en finirions avec les reprises ! C'était aussi un moyen de recentrer le débat sur EXP, d'afficher clairement nos influences et d'en finir avec cette question qui revenait souvent en interview. Je ne suis pas certain que le public ou les journalistes soient plus avancés vu la diversité et le côté foutraque de cet album mais c'est aussi ce que nous voulions mettre en avant, c'est ce qui fait EXP.

Rock360 : Comment s'est déroulé le choix des chansons ?

Experience : Je suis arrivé avec mon Ipod et un flingue, j'ai imposé les titres et les autres membres ont joué, avec des gouttes de sueurs sur le front. Ce n'était pas la mauvaise ambiance mais c'est vrai que le flingue a permis de conserver une certaine tension musicale sur l'album. Certains disent sur les forums web que je suis un tyran-dictateur, je ne crois pas que cela soit fondé.

Rock360 : Positive Karaoke With A Gun regroupe différents styles musicaux. Qui écoute quoi dans le groupe ?

Experience : Patrice, le batteur, adore la musique cubaine et le folklore andalou (flamenco), Widy est plutôt recentré sur l'électro minimaliste plutôt ethnique et Francisco est un fan de math rock post-metal à tendance melodico-avant. C'est pour cela que j'ai choisi tous les titres.

Rock360 : Reprendre un morceau est toujours un exercice délicat. En effet, on se heurte souvent aux fans inconditionnels d'artistes qui estiment que toute reprise se finit souvent par un massacre de l'original. Aviez-vous conscience des critiques que vous risquiez de subir en sortant un album de reprises ?

Experience : Oui mais on s'en fout. On vit une époque qui respecte trop une certaine idée de la culture soit disant intouchable, du coup on entend que des groupes revivalistes qui cachent leurs influences comme s'ils avaient tout inventé, et les journalistes sont de mèche pour faire croire que... De toute façon, nous sommes un groupe très critiqué ; encensé par certains, détesté par d'autres. On ne peut pas dire que notre musique soit consensuelle vu les réactions enflammées qu'elle suscite. Nous sommes donc habitués à la critique, bonne ou mauvaise. Donc c'est ça, rien à foutre : Let's do it !

Rock360 : Pourquoi cette volonté de faire un DVD ? Avec quels moyens ? Comment se sont déroulés les choix sur son contenu ?

Experience : Le DVD est un bilan sur cinq ans de scène pour EXP. C'était aussi le moyen de montrer le groupe dans la vie de tous les jours. Nous avons une image de mecs pas cools, qui rigolent pas, qui font chier et nous voulions en apporter la preuve. Les moyens ? Un ibook et des casssettes DV. Widy a tout monté à partir de ses images plus des casettes récupérées auprès de proches ou de gens qui suivent EXP. Notre public a donc quelque part contribué à ce DVD, ce qui est une idée enthousiasmante car sans eux, nous ne serions plus là. Widy nous montrait l'évolution du montage et nous en discutions avec lui, il a tout géré de A à Z, il a fait son petit dictateur.

Rock360 : Où en êtes-vous au niveau des tournées ?

Experience : Nous venons de finir dix dates en France et Espagne, nous préparons 2006 qui va être chargée : En mars nous avons vignt dates en première partie d'Alec Empire en France, une autre tournée en Espagne, des concerts en Amérique du Sud (Chili, Argentine...) et si tout va bien d'autres dates au États-Unis (plus le Canada et le Mexique).

Rock360 : Plus d'un mois après sa sortie, pouvez-vous commenter l'accueil réservé à votre album ?

Experience : Comme d'habitude : du très positif, du très négatif, des gens qui comprennent et des gens qui croient ne pas comprendre, de la connerie, de la condescendance, de la reconnaissance et des encouragements avec un style parfois très bon, parfois très limite. La routine.

Rock360 : D'où vient cet engouement hispanique pour Experience ? Hors hexagone, comment réagissent les publics lors de vos concerts ?

Experience : Très bien ! Les publics sont très différents selon les pays. Le public le plus réactif et chaud est le public espagnol (pour l'instant). Ici, nous avons une image d'intellos froids qui nous colle aux baskets, là-bas nous sommes vu comme un groupe de rock qui met le feu aux salles, ce qui est le cas. C'est agréable de jouer devant des gens différents, ça nous oblige à nous adapter.

Rock360 : Après plusieurs années d'Experience, quel regard portez-vous sur vos précédents albums et comment envisagez-vous le futur du groupe ?

Experience : Nous ne regardons pas trop en arrière. Le futur du groupe se construit tout seul. Bien souvent, nous avons une idée sur comment évoluer et c'est bien sur le contraire qui arrive. Il y a une grande part d'imprévu dans un groupe, à partir du moment où cette machine de quatre personnes se met en marche, elle devient autonome et imprévisible. C'est elle qui décide, pas nous.

Rock360 : Travaillez-vous déjà sur un nouvel album ?

Experience : Oui, bien sûr, nous en sommes aux pistes possibles, nous avons déjà quelques titres que nous enregistrons.

Rock360 : Faites-vous autre chose que de la musique pour survivre dans ce monde post-moderne converti à l'individualisme et à l'économie de marché ?

Experience : Ça arrive, oui. Parfois des choses alimentaires agréables, parfois désagréables. Comme nous n'avons pas choisi la facilité ou le consensus il arrive que nous subissions des périodes très sèches financièrement parlant mais rien d'alarmant et de comparable à ce qu'a pu vivre quelqu'un comme Van Gogh ou Iggy dans les 70's !

Rock360 : Experience mêle toujours légèreté et conscience politique. Alors en ce moment, qu'est ce qui vous énerve, qu'est ce qui vous fait rire et qu'est ce qui ne vous fait absolument rien ?

Experience : Il y a beaucoup de choses qui nous énervent, très peu qui nous font sourire. J'ai l'impression de vivre la France pré-68. Il y a d'un côté une vieille génération à la ramasse et une jeune bouillonnante, parfois incohérente mais c'est déjà ça. Entre les deux il y a ma génération, les trentenaires, soit déconnectés du système, soit qui ont "réussi", dans l'ensemble c'est une génération qui ne fait pas grand chose (dans le meilleur des cas) ou qui est carrément indifférente voire cynique (dans le pire des cas). Cette génération est censée être la génération active, décisionnaire, c'est en fait la génération inactive : pas d'avis, peu de décisions, désertion des urnes et complainte désabusée. Il y a le pouvoir politique de plus en plus conservateur qui tire le pays vers le bas, les artistes exposés dans les médias qui sont eux inoffensifs, polis et eux aussi très conservateurs finalement. Mais le fait que j'ai l'impression de (re)vivre la France pré-68 me donne quand même un certain espoir, à court terme.

Rock360 : Questions subsidiaires : vous qui avez côtoyé de près Oslo Telescopic, pourriez-vous nous en dire plus sur eux ? Détenez-vous des informations croustillantes sur les membres de ce groupe (poids, taille, couleurs préférées, parti politique, libido, etc.) ?

Experience : Les membres d'Oslo sont des mammifères dotés d'un cerveau fonctionnant de manière assez surprenante, très affectifs et imprévisibles. On pense qu'ils sont français même si leur vocabulaire est beaucoup plus étendu. Bref, une espèce en voie de disparition.

Rock360 : Quels sont vos liens avec la "scène" toulousaine (Programme, Non Stop…) ?

Experience : On prend souvent des cuites avec eux.

par Monsieur Pipo
avec l'aide de Gros Barnes.
Merci à Francisco.

----------------------------------------------------------------------