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Jim O'Rourke par Kannibal Smith
Article publié le 05/08/05


Pourquoi lui ? Pourquoi faire un dossier sur cet artiste ? Jim O'Rourke est un producteur doué, un musicien hors pair, il a (enfin) rejoint Sonic Youth pour leur redonner vie. Ceci n'est pas un historique, ni une chronique toute simple, mais un essai de compréhension de l'importance nécessaire de ce discret génie, dont l'omniprésence sur la scène mondiale n'a d'égal que le talent.

Discret ! C'est sûrement le qualificatif le plus adéquat pour définir ce grand maigrichon. Mais ce n'est pas celui que l'on peut employer pour sa riche et encore longue carrière. On le connaît surtout pour ses albums solos et plus récemment pour avoir sauver Sonic Youth d'une fin annoncée, mais ce globe trotteur de l'expérimentation a de nombreuses facettes.

Les débuts…


Né à Chicago en 1969, le petit Jim a comme il le dit lui-même "eu une obsession quasi constante de trouver des nouvelles choses en musique". L'improvisation, c'est sûrement le réel secret, ou la bonne alchimie qu'il utilise. Très jeune, il décroche alors une bourse à l'Université De Paul, ce qui lui permet d'exercer sa pratique et sa théorie musicale. Mais notre intéressé ne retiendra que peu d'expérience de cette époque car il le dit : "J'étais déjà obsédé par l'idée de découvrir des nouvelles formes de musiques, qu'il était rare que je n'ai pas entendu parler des groupes que l'on voyait". Cet enseignement aura peu d'influence sur sa musique. "La musique est construite sur des bases strictes, les professeurs essaient de formater les élèves. Il y a peu de


Jim O'ROURKE

place pour l'expression". O'Rourke n'est pas assez réactionnaire pour suggérer que cette éducation ait été une perte de temps, reconnaissant que toutes les techniques d'étude dispensées étaient appropriées à son travail musical.
La recherche de nouvelles expériences, toujours cette recherche comme fil conducteur de sa carrière. Il est presque impossible de lister la discographie complète de Jim O'Rourke tellement la densité de ses productions est importante. Mais il ressort quelques grandes œuvres de ce capharnaüm qui marqueront à jamais "l'Underground". Il fait ses débuts dans sa ville natale en 1987 avec le groupe Elvis Messiahs qui fabrique un modèle bruyant et théâtral de l'improvisation libre. Ils publient jusqu'en 1990 des enregistrements uniquement sur cassette tel les très obscurs Houdini et le live Dead. Jim se détache rapidement pour se lancer dans de nombreux projets. Il se fit ensuite musicien, compositeur, arrangeur, producteur entre 1988 et 1993. Il collabore avec, au hasard : Derek Bailey, Eddie Prévost, Nic Collins, Henry Kaiser, Voice Crack, Evan Parker, Günter Müller, bref tout le gratin de la scène indie de Chicago. Il y joue principalement de la musique électroacoustique, s'inspirant parfois de matériel déjà existant ; il a notamment réalisé une réécriture complète de l'ouverture de Das Rheingold de Wagner.

Gastr Del Sol : Camoufleur et autres perles…

En 1994, Jim rejoint David Grubbs pour former le désormais célèbre Gastr Del Sol. Sorte de groupe expérimental à influence country, Jim y partage la guitare avec Mr Grubbs ; ils sont quand même accompagnés entre autres, excusez du peu, par John McEntire qui n'est autre que le batteur de Tortoise. On retient surtout de cette collaboration, parmi les cinq albums sortis, l'excellent Camoufleur sortis en 1998. Mélange de folk, jazz, pop, tout cela sur un fond d'expérimental. Les rythmes de batterie, aussi


Camoufleur
originaux qu'efficaces, rappellent plus une touche jazz avec un style sobre et discret, tout en soutenant les guitares de Grubbs et de O'Rourke. On sent la patte de ce dernier avec le mélange des sons : on y retrouve des marimbas sur Seasons Reverse pour étoffer une trompette aux sonorités free-jazz. Sur tout l'album la voix est claire, le timbre est léger et les arrangements sont riches : cordes, cuivres, piano et une production qui rappelle souvent les expérimentations de Radiohead à la même époque. Gastr Del Sol réussit le mariage de l'écriture et de l'improvisation. Jim O'Rourke souligne que cet album est sorti sur le label Touch And Go (ainsi que les autres) et c'est le seul label qui lui a permis de sortir cette musique. Il était très intéressé par Miles Davis, notamment sa période de la fin des années 70. Lui aussi voulait réaliser son Agartha, album très électrique de Miles et relativement peu accessible pour les néophytes. Camoufleur est un album très improvisé selon son auteur. Il sera pour lui le début d'une reconnaissance fortement méritée.
Dans ce groupe, Jim O'Rourke pourra une nouvelle fois rechercher de nouveaux sons, réaliser de nouvelles expériences musicales et affiner ses talents de producteurs. Sa musique reste basée sur l'improvisation, on ne le rappellera jamais assez mais c'est bien le maître mot de notre intéressé.
Parallèlement à cette première réussite le groupe publiera le très bon Croockt Crack Or Fly.

La carrière solo et Eureka !

En 1995, O'Rourke publie Terminal Pharmacy. On peut qualifier l'œuvre de "patchwork" ; c'est un collage de différents morceaux pour un résultat vraiment surprenant. Ca n'a rien à voir avec les ambiances jazzy folk de Gastr Del Sol ou de ses productions de l'époque. C'est un véritable exercice pour l'intéressé. Le morceau Cede de 41 minutes prendra deux années pour sa finition. Jim le sentait et il ne voyait pas comment le finir. C'est l'une des première fois qu'il s'est mis à utiliser du matériel préexistant et qu'il a dû trouver les liens entre les différentes pièces et ambiances musicales utilisées dans ce morceau. Le résultat est cet ensemble d'ambiance très réussi, un collage qui entraîne l'auditeur à travers un voyage de sensations aussi diverses qu'étranges. C'est le meilleur reflet de l'éclectisme de O'Rourke.


Terminal Pharmacy

En 1997, grâce à son premier album Bad Timing à tendance folk, toujours fourni d'arrangement piano et cordes, Jim O'Rourke connaît un certain succès. Les bases des morceaux sont fondées sur de l'improvisation et une superposition successive de lignes mélodiques. C'est un mécanisme que l'on retrouvera régulièrement dans la démarche artistique de ses albums solos. Cet album annonce la suite et les grands albums qui sortiront.
En 1999, Jim O'Rourke publie son chef d'œuvre. Sa pièce maîtresse, la plus intime, sûrement sa plus réussie à ce jour : Eureka. La pochette rose, figurant un homme nu tenant un lapin entre ses mains et s'amusant avec, représente vraiment l'approche de cet album. Elle se veut intimiste et c'est réussi. On retrouve les ambiances folks des albums précédents. Les guitares sont limpides et mélodiques, la production est toujours cristalline. La claire et douce voix de Jim porte l'album comme un murmure à l'oreille juste avant le sommeil. Les ballades se succèdent sur les huit plages que constitue cette merveille. Ca débute par un Women Of The World et ses rythmes de guitare folk, parfois on pense un peu à la country, une touche de marimbas, vous secouez le tout et vous obtenez une ballade sur laquelle il ne reste plus que la voix à poser.


Eureka

L'instrumentale Through The Night So Fly suit le schéma de construction décrit avant. Une mélodie de piano à la base, un rajout de guitares, des marimbas, un saxophone, des petites touches de cordes, tout ça se superpose à merveille. La chanson de neuf minutes Eureka est la pièce centrale. Elle démarre par un collage de sons dont seul O'Rourke a le secret, puis une mélodie de guitare sur laquelle il pose simplement sa voix. Le tout est rejoint par un orgue avec du flanger, qui nous rappelle les meilleurs moments du Pink Floyd acoustique. Le final est génial : un déluge d'orgue et d'effets qui arrivent petit à petit pour remplacer la guitare sans même que l'auditeur ne se rende compte de ce qui se passe. C'est réussi, cet album devrait faire parti de votre discothèque, c'est un indispensable à vous procurer d'urgence. Le très bon LP Insgnificance de 2001 fait suite et permet de suivre l'évolution créative d'O'Rourke.

Le sauveur de Sonic Youth

Sonic Youth et Jim O'Rourke étaient fait pour se rencontrer. Le groupe, avec sa série de maxi SYR1 et SYR2, abordait la musique de la même manière que Jim. Ces plasticiens new-yorkais y appréhendaient la création musicale comme une construction, comme un collage d'ambiance. Il suffit de remarquer les accordages aussi variés qu'étranges que Thurston Moore et Lee Ronaldo utilisent sur leurs albums. Il inventent la noisy pop et révolutionnent la musique avec Daydream Nation en 1989.

Jim avait déjà collaboré avec eux en 1997 sur le maxi SYR3 qui est une suite d'improvisation à la guitare électrique. On entend souvent du larsen mais c'est bon ! Sonic Youth connaît une phase creuse avec A Thousand Leaves et NYC Ghosts And Flowers (sur lequel O'Rourke joue déjà un peu mais compose très peu), des albums moins originaux. On sent que le groupe s'essouffle après plus de vingt ans d'exercice. Mais ils décident d'intégrer officiellement Jim en 2001 pour l'album Murray Street, grand

SYR3
album du groupe, certainement le meilleur de l'année 2002. On retrouve les ambiances électriques de Sonic Youth, mais Jim a su rajouter sa touche plus douce, plus mélodique et ses arrangements qui donnent force et cohérence à cette magnifique production. Thurston chante le plus souvent. Empty Page est un vrai tube montrant l'alchimie retrouvée du groupe sous l'influence de O'Rourke. En 2004, Sonic Nurse confirme le renouveau. Album de l'année, peut être celui de la maturité, le groupe s'appuie désormais sur le chant omniprésent de Kim Gordon, la "Star" qui leur manquait. L'icône du groupe, Kim Gordon crie sa rage sur des morceaux plus punk que précédemment, l'alchimie fonctionne toujours. Ils ont pour projet de reprendre la série de maxi là où ils l'avaient laissé c'est-à-dire au numéro 5, affaire à suivre.

Les collaborations et les autres projets…

Récemment auteur d'un excellent EP I'm Happy, I'm Singing And A 1,2,3 And 4, tout aussi électronique et tout aussi bon, Jim O'Rourke a de nombreux projets en cour. Dernier disque en date en 2003, l'homme s'est une nouvelle fois associé à Jeff Tweedy pour sortir sous le nom des Loose Fur un très bon disque éponyme de pop country dont lui seul a le secret, un disque excellent qui fera date comme cet artiste exceptionnel, du moins c'est ce qu' il mérite…

Par ailleurs, l'une des nombreuses facettes de Jim est celle de producteur et de musicien de studio. Le son ressemble souvent à celui de ses albums solos.
On peut citer le fameux Wilco dont il est musicien et producteur officiel. La dernière production du groupe A Ghost Is Born s'avère être un album pop de haute volée. Il y joue sur la plupart des titres et produit l'album entièrement.

On peut ajouter en 1999 Knock Knock de Smog, groupe folk de la scène américaine qui inonde le marché de perles. À se procurer le sublime Red Apple Falls de 1997 où O'Rourke joue sur la plupart de l'album. Pour la partie production simplement on peut citer : la plupart des albums de Stereolab, Faust, quelques albums de David Grubbs et des travaux de remix et d'arrangements avec Steve Albini, Autechre, The Sea And Cake, Tortoise, Wilco pour Yankee Hotel Foxtrot (sûrement le meilleur


Yankee Hotel Foxtrot

album du groupe). On peut aussi trouver une participation à AMM, son groupe d'improvisation préféré. La liste est très longue et impressionnante. On comprend bien la ligne de conduite qui est la sienne : le travail ! C'est l'un des artistes les plus productifs et les plus éclectique de la scène musicale mondiale actuelle.

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La diversitédes travaux et des collaborations de O'Rourke montre bien à quel point il est doué pour tout ce qu'il touche. Réel élève et défenseur de l'école de l'improvisation et de la recherche de nouvelles expériences musicales, il a toujours prôné une libre expression de la musique. Ne se définissant pas comme musicien mais comme créateur de sons et d'ambiance, le terme "bruit" qu'il emploie parfois semble péjoratif par rapport à la qualité de ses productions. Jim O'Rourke nous livre régulièrement des délices pour les oreilles, il est sûrement l'un des musiciens les plus importants qui existe et ce n'est qu'un trop petit hommage que votre serviteur lui rend. Je ne saurais trop vous conseiller d'aller faire un tour sur son site officiel pour avoir une idée précise de sa discographie et de ses participations dont la liste ici est incomplète.

Kannibal Smith

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INTRO




Camoufleur



Eureka



Yankee Hotel Foxtrot


Jim
O'ROURKE



Terminal Pharmacy


SYR3


CONCLU
INTRO












CONCLU
INTRO












CONCLU
INTRO












CONCLU
INTRO












CONCLU
INTRO












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INTRO












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CONCLU
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