Webzine des Musiques Actuelles !
     
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- GONZALES -
- NUIT BLANCHE EDITION 2005 -

Église Saint-Jean l'Évangéliste à Paris
Samedi 1 octobre 2005

- Nuit Blanche (définition officielle) : manifestation culturelle annuelle organisée à Paris le premier samedi d'octobre, sorte de kermesse vespérale et nocturne ayant pour vocation de fédérer l'ensemble des Lutéciens - banlieusards inclus - autour d'une série d'évènements gratuits et plus ou moins artistiques.
- Nuit blanche (définition personnelle) : soirée très mitigée, voire totalement foireuse, durant laquelle on se sent obligé de sortir, histoire de bousiller son forfait téléphonique pour retrouver des potes qui finalement n'arriveront jamais (pas cons les mecs) ou alors avec deux bonnes heures de retard, auquel cas on repartira en meute vers un nouveau point de rendez-vous tout aussi hasardeux et ainsi de suite jusqu'au petit matin (voir aussi Fête de la Musique, 14 juillet…).

Ce comportement bassement grégaire s'explique aisément : si les gens cherchent absolument à se rassembler, c'est surtout par peur de s'emmerder vu la qualité moyenne des festivités.

Parmi les artistes programmés, le showman Gonzales était très attendu sur cette nouvelle édition. Il s'était vu confier la lourde tâche de distraire la plèbe douze heures durant (oui, oui, douze heures) et bénéficiant pour l'occasion d'un orgue liturgique, celui de l'église Saint-Jean l'Évangéliste située place des Abbesses.
Ceux qui souhaitaient assister aux réjouissances ont dû prendre leur courage à une main (l'autre étant alors mobilisée par un mégot rance et une Bückler tiédasse). Trente minutes de queue en moyenne, à piétiner sous la bruine automnale. À l'arrivée, grosse déception : un exercice de style assez laborieux, plus rébarbatif que roboratif.

Pour rappel, le brillant dilettante canadien avait fait paraître l'an dernier un disque singulier, à la fois surprenant (en rupture avec ses précédents opus) et attendu (car ancré dans l'ère du temps). Jouant la carte du piano solo, Gonzales s'engouffrait ainsi dans la brèche, un créneau plutôt porteur si l'on en croit le regain d'intérêt dont jouit cet art séculaire auprès des musiciens comme du public (pour plus de précisions sur l'épiphénomène, se reporter au Jazzman de septembre). "L'album de la maturité" sans doute. Dépouillé, intimiste, comme toutes les illustrations du genre. Par la sobriété de son jeu et les couleurs employées, le performeur du rock évoquait les grands noms, la mélancolie concise de Satie (Gogol, Overnight…), la délicatesse de Gershwin, le minimalisme nostalgique de Tiersen (DOT, Carnivalse…). Sans toutefois atteindre la même intensité, n'est pas Bill Evans qui veut.

Quant au concert/happening de samedi, soyons honnête, il s'apparentait plus à l'univers de Charlie Oleg qu'aux gymnopédies de Satie ou aux rhapsodies de Georgie. Régnait dans l'Église des Abbesses comme un air de balloche, manquait juste les flonflons. Expliquons-nous :
Afin de meubler un tel set, Gonzales a naturellement recouru aux reprises. Fidèle à lui-même, multipliant les citations parodiques et les clins d'œil aux classiques du rock, voire du hard-rock (Black Sabbath, Deep Purple). Ca peut faire rire cinq minutes, pas plus. Quand le blind-test dure toute la nuit, ça en devient pénible.
Mais l'auditoire, acquis à la cause, s'est montré bien clément à l'égard de l'artiste. Les bobos se sont efforcés de reconnaître les tubes égrainés au fil du concert, avec plus ou moins de bonheur : l'un d'eux se vantait d'avoir identifié dès les premières notes la fameuse "tuerie" AC/DC. Il pensait alors à Smoke On The Water… L'important c'est de participer !
Le récital incluait par ailleurs les récentes compositions du claviériste. Ces pièces ont été pensées pour le piano et non pour l'orgue. Soit deux outils munis de touches, mais qui ne se ressemblent guère. D'où la nécessité d'adapter le répertoire à l'instrument, de remanier les morceaux en profondeur. Gonzales n'a manifestement pas pris en compte ces considérations techniques. Du coup, ses ritournelles ont perdu leur saveur en live. Les mélodies, subtiles et feutrées à l'origine, paraissaient ici indigentes et soporifiques.
Notre héros était pourtant soutenu par l'acoustique irréprochable du lieu et la puissance sonore du colosse, le plus bruyant des instruments mécaniques. On a eu droit à un orgue asthmatique, à peine capable de couvrir les chuchotements de la foule. L'interprète avait visiblement oublié le fonctionnement de l'engin, n'utilisant pas la moitié des registres dont dispose la bécane. Un peu comme un orchestre symphonique au sein duquel un seul musicien serait appelé à jouer.

Pour finir, le visuel. Loin des artifices pyro-mégalos chers aux Jean-Michel Jarre et autres De Villiers, le spectacle se résumait à de timides coups de projecteurs sur les tuyaux du monstre pneumatique (Rencontre du troisième type ?), plus ou moins calés sur le jeu de Maître Gonzo (que d'audace, mon dieu !). En prime, un jeu d'ombres chinoises comme les affectionne l'artiste (voir la pochette de son album). Son double factice se reflétant sur les parois des tubes et simulant avec emphase les gestes du créateur. Douce illusion des sens…
Votre humble serviteur, pour sa part, se serait bien passé d'assister à ce fiasco. Espérons qu'à l'avenir Gonzales saura se montrer à la hauteur de ses commandes
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Christophe

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