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Clap Your Hands Say Yeah

CLAP YOUR HANDS SAY YEAH - (Wichita/V2, 2005)

Chante, danse et mets tes baskets. Un sobriquet aussi stupide - enfin, décalé - renvoie généralement à la "nouvelle scène" disco-punk (une mouvance assez effrayante, sorte de Sixième Reich*Chantal Goya et Gang Of Four s'accouplent sans complexes). Mais en dépit de son nom, le dernier quintet à la mode fréquente moins les soirées gloubiboul-rock que les verts pâturages d'Arcade Fire. Reste à savoir si la sensation du jour vaut vraiment le détour.

Petite piqûre de rappel pour tous ceux qui auraient pris le train en marche : les nouveaux chouchous de la presse ont entamé leur prometteuse carrière sur la toile, par le biais du porte-à-porte électronique. Grâce à leur détermination, nos VRP désormais VIP ont changé la petite entreprise en industrie florissante. Ambition intrépide, moral d'acier et persévérance, le credo du MEDEF !
L'ascension du groupe s'explique en partie par la méthode employée, celle du fais-le-toi-même, qui constitue un gage de qualité auprès du milieu alterno (plus c'est indé et meilleur c'est !) et une levure idéale pour gonfler la hype. Si cette poignante success-story mériterait bien un reportage au 13 heures de Pernaut (la figure ultra-libérale du self made man sous le vernis poujado), elle peut également susciter la méfiance ; on est en droit de se demander si le bouche-à-oreille n'a pas viré au bigophone arabe. Examinons un peu l'objet…

En guise d'apéricube, une chansonnette ludique. S'appuyant sur un orgue d'humeur sautillante et un lamellophone manchot, une voix (crieur de journaux ou montreur d'ours, on hésite) alpague l'auditeur, bientôt relayée par une chorale oldie. Aussi vital qu'un abonnement à Télé poche, cet amuse-gueule sans prétention a le mérite de surprendre du fait de sa relative fraîcheur (pour l'époque). Seconde plage, Let The Cool Goddess Rust Away rappelle un peu le Stop Whispering de Radiohead par son motif mélodique et ses accords remâchés. Conçue comme un banal single de rock héroïque (chant emphatique, final de guitares à la U2), la compo échappe pourtant aux pièges du genre (morgue, pesanteur) grâce à la production lo-fi. Morceau sympathique, mais qui s'étiole sur la longueur : la batterie, toujours en retenue, entrave le décollage. Du coup, le titre laisse un goût d'inachevé. Idem pour Over And Over Again. Ritournelle pop, plus légère, "mieux" mixée, elle pèche également par défaut d'inventivité et suscite un désir qu'elle ne parvient pas à satisfaire pleinement. Quant à l'interlude qui lui emboîte le pas, il sonne comme une chute de studio de Yann Tiersen (pardon, Yann). Rendus à ce stade, on s'interroge sérieusement sur la pertinence du produit. Details Of The War, ballade de folk épique, rectifie heureusement le tir. Malgré son classicisme formel, elle séduit très vite les tympans : grâce altière, intensité croissante, la recette est éculée mais fonctionne à merveille. Le groupe enchaîne avec une pop-song pleine d'entrain, farcie de grattes enjouées et de claviers vintage. Sans apporter d'innovation majeure, nos gaillards imposent enfin leur style grâce au phrasé singulier du chanteur. Le titre suivant, Is This Love?, se situe dans la même veine, celle du bonheur instantané, où la six-cordes et les arpèges de synthé cavalent sur un chœur aux allures de montagnes russes. Cette trouvaille polyphonique est reproduite sur Heavy Metal, à grand renfort de basse fuzz et d'harmonica. Le quintet new-yorkais marque une courte pause avec une instru acoustique, aussi mignonne qu'accessoire, avant d'envoyer le tube imparable, In This Home On Ice, dans lequel le chant d'Alec Ounsworth flotte au-dessus d'un essaim vrombissant, ponctué d'harmonies vocales en yo-yo (toujours la même formule). On poursuit avec Gimme Some Salt, zinzin curieux et novateur, peut-être le seul de l'opus. L'organe du jeune trouvère oscille ici entre somnambulisme nonchalant et scansion syncopée sous un éclairage tamisé : guitare étouffée, jeu de toms et basse rampante flanquée d'un orgue lancinant. L'album s'achève sur une chanson dont la saveur new-wave renvoie aux deux grands homonymes du genre, Robert Smith (pour les riffs acidulés) et Morissey (pour le ton affecté).

Au final, sentiment mitigé. Si le premier tiers du CD déçoit franchement, l'ensemble réserve tout de même quelques bonnes surprises et s'avère assez agréable. Cela dit, le buzz qu'il génère actuellement est disproportionné. Ces débuts semblent prometteurs mais on est loin du chef-d'œuvre visionnaire et indispensable.
Par ailleurs, le disque nécessite quelques écoutes pour s'acclimater à une voix dont le maniérisme outrancier et les fréquents dérapages agacent facilement.

* cf Fear And Loathing In Las Vegas de Terry Gilliam

Christophe

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